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Nature Over Future

Dernière mise à jour : 19 janv. 2023

Le rapport de l'Homme à la Nature


La série d’illustrations « Nature Over Future » est un peu plus personnelle que les autres séries d’affiches telles que Green Reims ou Purple Reims. Alors que ces dernières mettent en avant le patrimoine de ma ville, Nature Over Future ; dans des traits plus complexes et plus déstructurés, dans une ambiance moins lissée et moins épurée ; évoque un thème qui me tient énormément à cœur : le rapport de l’Homme à la Nature mais aussi à sa propre « humanité ».


J’ai réalisé ces illustrations sur du papier type Canson de 300g/m2, à l’aide d’un stylo de précision Micron de 0,1mm. Les reproductions disponibles dans la boutique sont des impressions numériques d’après les fichiers numérisés des originaux. Ces impressions sont réalisées sur du papier Rive Gloss Sensation 270g/m2.


Vous allez me demander ce que j’essaie de montrer à travers ces dessins. Eh bien je tente de remettre la Nature à sa place, de la sortir du joug de l’activité humaine qui en définitive, ne représente qu’une infime partie de son histoire depuis sa formation.

Dans ces illustrations, partons du principe que toute trace de vie humaine a disparu et que seules les traces de son activité demeurent et témoignent du passage de l’Homme sur Terre.

Bien que la Nature reprenne le dessus sur ces corps étrangers, nous voyons bien que l’empreinte que nous laissons peut rester visible pendant des centaines voire des milliers d’années après notre mort. Quand bien même nous cesserions toute activité industrielle et économique du jour au lendemain, nous continuerions de polluer notre planète qui mettrait des siècles à effacer les stigmates de notre présence.

L’idée que nous ne soyons plus là mais que le poids de notre passage se fasse encore sentir après notre disparition montre bien l’impact démesuré de notre activité et la futilité de certaines de nos inventions.

Plus encore, cela met en lumière le fait que nous avons trop souvent renié notre Terre, parente organique, pour des corps froids, dénués de toute âme et de toute nature. En tant qu’êtres organiques, nous sommes tous voués à retourner à la terre. Les objets de notre création, eux, s’accaparent la Terre pour des durées indéterminées et pire encore, l’empoissonnent et l’intoxiquent lentement et inexorablement.


Je suis conscient de ne pas être le meilleur exemple, encore moins un modèle de résilience et d’écologie. Cependant, ce sujet ne me laisse pas indifférent. Je dirais même qu’il me touche profondément, autant dans mon cœur que dans le tréfonds de ma conscience. Il me pousse au quotidien à faire les efforts nécessaires pour devenir un être plus respectueux de la Nature et de ce qu’elle nous offre sans contrepartie depuis des milliers d’années.


Dessiner sur ce thème m’a aussi fait prendre conscience de mon rapport aux autres humains qui partagent la même planète que moi, pour « comprendre » tant ceux qui la respectent que ceux qui la méprisent. Je vous préviens tout de suite, j’ai tout de même choisi mon camp. J’espère que vous serez autant sensibles aux dessins qu’aux textes qui suivent et qui accompagnent chaque illustration.


001 - « Wild Living Room », Nature Over Future, 2021


affiche en noir et blanc d'une ville abandonnée et de la nature qui reprend le dessus

" On avait l’habitude de se poser dans ce canapé avec vue sur notre cité.

De ce côté du mur, on avait l’impression d’être en dehors de notre propre prison.

C’était comme avoir une permission car le soir venu, il nous fallait regagner notre tour délabrée,

du haut de laquelle nul n’entrevoyait l’horizon.


Certains d’entre nous restaient là toute la nuit,

blottis les uns contre les autres dans un canapé trop petit.

On refaisait le monde, on fumait, on rappait.

On essayait de poser des mots sur la vie qu’on menait.

On se remémorait comment on avait aménagé notre QG,

dont le point de départ était ce vieux canapé.


Quelques palettes, une vieille lampe et une télé.

De quoi aménager notre propre téléréalité.

On avait même apporté un distributeur automatique,

dont la provenance restera pour vous énigmatique.


On avait aussi chopé un vieux transistor,

diffusant des sons qui pour nous valaient de l’or.

La musique résonnait dans tout le quartier.

Elle alimentait nos cœurs et nos esprits,

bien aidés par ces doux breuvages qui nous enivraient,

du petit matin 15h jusqu’au bout de la nuit.


Il y avait ici plus d’électricité que dans tout le voisinage.

On savait bricoler des trucs quand on voulait sortir de nos cages.

Un caddie tout rouillé nous permettait de ramener les objets de nos passions,

pour enrichir ce lieu que l’on aimait appeler maison.


On avait instauré des règles pour préserver ce paradis qui aurait couru à sa perte,

car notre foyer attisait la convoitise des autres gamins du quartier.

Malgré tout, la porte invisible restait toujours grande ouverte.

C’est quand tu n’as pas grand chose que tu veux le partager.


Un bidon d’essence traînait là, toujours à notre portée.

Au cas où il aurait fallu partir dans la précipitation.

Bien sûr, rien ne nous effrayait plus que de devoir tout brûler,

car on détestait l’idée de devoir un jour regagner notre prison.


De l’autre côté du mur, deux arbres se dressaient majestueusement.

Les seules reliques du coin à ne pas subir les affres du temps.

On s’amusait à dire qu’on vivait au milieu de la jungle urbaine.

Sans imaginer qu’un jour la nature la ferait sienne.


Aujourd’hui, nous ne sommes plus, nous sommes retournés à la terre.

Seul ce vieux canapé et tous ces objets qui l’entourent témoignent encore

de notre passage sur Terre".


002 - « Wild Street », Nature Over Future, 2021


affiche en noir et blanc d'une rue abandonnée avec la nature sur les murs

"La rue, cet endroit impersonnel dont j'avais fait mon domicile.

Un petit bout de trottoir où les nuits étaient difficiles.

Bruyante la journée, lugubre le soir venu.

Tout y était fait d'avance pour m'y sentir perdu.


Je cherchais dans le regard des gens un peu de compassion.

J'y trouvais le plus souvent de l'indifférence.

En passant, parfois certains faisaient le dos rond.

Je ne ressentais en eux que de la méfiance.


La plupart n'esquissaient pas même un regard.

Toujours pressés, toujours en retard.

"Qu'est-ce qu'il a lui à être en pleurs ?"

"Nous aussi on a nos propres malheurs !"


J'étais conscient qu'un type assit par terre,

caché derrière sa barbe hirsute, les mains couleur charbon.

Ne faisant rien pour se sortir de sa misère,

ne pouvait qu'attirer les gens trop cons.


Vous n'auriez trouvé devant moi aucun carton,

que ce soit pour quémander de la nourriture ou de l'argent.

"De toute façon il va encore se saouler la gueule ce poltron !"

"Qu'il crève, il ne mérite pas d'être vivant !"


Une fois, j'ai pris du gallon et j'ai investi un banc public.

Coincé entre une poubelle et une bouche à incendie.

Eux-mêmes non loin d'une armoire électrique.

Nouvelle chambre devant la façade d'un taudis.


Beaucoup souhaitaient me jeter dans la première,

et voir la deuxième éteindre le feu dans mon cœur de pierre.

Les jeunes venaient taguer la troisième.

Le tout formait une profonde cicatrice dans ma chair.


Les seules fois où ils me portaient une attention précaire,

c'était lorsqu'ils venaient déposer leurs romans épistolaires.

"Il ne va pas se permettre d'ouvrir notre courrier !"

"De toute façon on sait où le retrouver !"


Des rats et des breuvages bon marché pour seuls compagnons.

Les bruits de la ville pour bercer mes illusions.

Je me sentais seul alors que nous étions des milliers,

mais personne pour s'imaginer celui que j'avais été.


Finalement,

je m'étais rendu compte à quel point les autres me ressemblaient.

La rue faisait de chacun d'entre nous un passager.

Seulement certains comme moi s'étaient résolus à s'y installer.


Si les gens préféraient l'indifférence à la pitié,

c'était qu'ils avaient peur de finir par me ressembler.

Et un jour dans la rue finir par échouer.

Détourner le regard plutôt que regarder droit dans les yeux la vérité,

cela les confortait dans leur propre réalité.


Ils continuaient à me traiter comme un déchet,

sans imaginer qu'un jour la nature les dévorerait.


Aujourd'hui, nous ne sommes plus,

nous sommes retournés à la terre.

Seuls ce vieux banc et les objets qui l'entourent témoignent encore

de notre passage sur Terre."


003 - « Wild Truck », Nature Over Future, 2021


affiche en noir et blanc avec un camion abandonné et la nature dans la ville

"Cet été-là, on voyageait dans notre vieille camionnette,

on traversait le pays dans une sorte de quête.

Une seule chose en tête, découvrir ce qu'était la vraie vie,

sans se soucier de notre quotidien meurtri.


Moteur vrombissant au milieu des plaines arides,

croquant l'asphalte brûlant à pleines dents.

La route comme seule guide,

résolus à rouler sans s'arrêter pendant dix ans.


Devant cette nature démesurée et impressionnante,

on se sentait si petits et nos existences paraissaient insignifiantes.

On remettait alors en cause notre mode de vie.

"Pourquoi sommes-nous contraints à vivre ainsi ?"


On arriva à une station essence,

pour faire le plein du véhicule et nous rafraîchir.

Ce lieu mit à rude épreuve nos sens.

On ne s'attendait pas à ce que l'on allait découvrir.


Temple de la consommation au milieu de nulle part.

Lumières et néons allumés en plein jour,

papiers et déchets jonchant le sol par milliards,

camion de glaces garé en plein milieu de la cour.


Pour alimenter les dizaines d'appareils, pas de panneaux solaires,

mais un gros générateur à essence d'un autre millénaire.

Un système d'irrigation dernier cri pour arroser la pelouse impeccable.

Des millions de gouttes d'eau pour faire déborder le sable.


Des gros 4x4, moteurs allumés pour laisser la climatisation.

Les enfants affalés sur la banquette arrière,

pendant que Papa va leur chercher des bonbons,

"Vous êtes sages mes chéris, Maman est très fière !"


Ballet incessant de voiture et de camions,

"Qu'en est-ce que l'on retrouve notre liberté ?"

Des employés qui ne vous portaient pas attention,

De la pisse partout sur la cuvette des WC.


On se disait que ces gens étaient des porcs,

que notre philosophie était toute autre.

Qu'on chérissait notre prochain comme eux chérissent l'or,

Et que ce monde n'était pas le nôtre.


Pourtant,

Comme eux nous faisions partie de cette société de consommation,

où l'essence avait plus d'importance que la raison.

On voulait parcourir le monde à l'infini.

Mieux ne valait-il pas voyager dans notre esprit ?

"Sandwich triangle, confiseries et petit pipi,

Promis après ça on est partis !"


On se disait que la prochaine fois on l'aurait fait à vélo,

à pieds ou même à dos de chameau.

On serait allés moins loin, on aurait mis plus de temps,

mais rien n'aurait pu remplacer le monde d'avant.


Avant de repartir, on remarquait un arbre, derrière la station.

La seule relique à avoir résisté à l'urbanisation.

On se demandait s'il resterait là encore longtemps,

sans savoir que la nature nous ferait disparaître en un rien de temps.


Aujourd'hui, nous ne sommes plus, nous sommes retournés à la terre.

Seuls ce vieux camion et les objets qui l'entourent témoignent

de notre passage sur Terre."


004 - « Wild Reims », Nature Over Future, 2021


affiche en noir et blanc de reims abandonnée avec le bus devant la cathédrale et la nature

"A cette époque, j'habitais la charmante ville de Reims,

surtout connue pour son Champagne, sa Cathédrale et ses monuments historiques.

Elle était l'une de ces petites villes de province,

où l'ambiance n'est pas des plus électriques.


Je n'aimais pas forcément la cité des sacres.

Elle me paraissait plus froide et plus insipide que les autres.

Je n'arrivais pas à y prendre mes marques,

et Thomas ne croit que ce qu'il voit parmi les apôtres.


On disait des rémois qu'ils n'étaient pas accueillants,

voire parfois même très arrogants.

"Joue ton premier concert à Reims, tu te sentiras comme un moins que rien,

c'est le public test pour savoir si c'est bien."


Il y faisait froid, il pleuvait tout le temps.

S'occuper les soirs et dimanches pouvait devenir très chiant.

Trop près de Paris pour être une ville branchée.

Pas assez loin pour fuir sa mentalité.


Elle abritait quelques quartiers dits chauds.

Dans lesquels je passais la tête baissée.

Dans ces moments-là, je ne jouais pas le chaud,

mais c'était surtout que je les avais trop vite jugés.


Le fameux bus à accordéon, beau souvenir d'enfance.

Je prenais la ligne A direction Hôpitaux.

Quadrillage noir et jaune comme la jacket d'un album de trance.

Pour le choper au Théâtre il fallait se lever tôt !


Le Parc Léo et ses araignées aux jeux d'enfants.

La Patte d'oie pour skater et s'enivrer.

La rue de Vesle pour dépenser son argent.

La place d'Erlon pour finir de s'achever.


Les soirées entre potes,

ces soirées qui finissaient en boite.

Les matins où tu regrettais tous les shots,

ces matins où tu restais sous la couette.


Le canal et la Vesle étaient les seuls cours d'eau,

bien loin des fleuves majestueux des grandes villes.

C'était pourtant le seul endroit où tu pouvais faire du vélo.

Petite coulée verte en plein milieu de la ville.


Finalement, j'aimais ma ville comme elle était.

Je l'acceptais avec ses défauts comme ses qualités.

Assez grande pour avoir de quoi s'éclater.

Trop petite pour te sentir étouffé.


A quelques minutes des vignes et des champs.

Elle offrait de quoi prendre l'air de temps en temps.

Peu après pourtant, elle voyait déjà plus grand,

pour tous les parisiens qui débarquaient en conquérants.


A l'époque, je voyais à peine la Cathédrale qui avait traversé les âges,

l'une des nombreuses reliques qui avaient résisté aux affres du temps.

Je me demandais combien de temps encore elle resterait dans le paysage.

Sans savoir que la nature me ferait disparaître en un rien de temps.


Aujourd'hui, je ne suis plus, je suis retourné à la terre.

Seuls cette vieille cathédrale et tous les monuments qui l'entourent

témoignent encore de mon passage sur Terre."


005 - « Wild Farm », Nature Over Future, 2021


affiche en noir et blanc d'une ferme avec un tracteur abandonnés

"A cette époque, je possédais une ferme en plein milieu de la campagne.

Une petite exploitation familiale à taille humaine.

On était à quelques encablures de la montagne.

J'adorais ce que je faisais, c'était inscrit dans mes gênes.

La vieille grange était bordée par un arbre centenaire.

J'y rangeais tout le matériel nécessaire à mon activité.

Il faisait bon vivre au grand air,

Jamais je n'aurais pensé un jour devoir l'abandonner.


Mon vieux pick-up et mon tracteur étaient de la famille,

même s'ils me donnaient du fil à retordre en termes de mécanique.

Mes outils étaient la fourche, le marteau et la faucille,

le tout bien rangé dans un souci pratique.


L'épicier et le facteur passaient me rendre visite,

m'apportaient de quoi remplir mon assiette et nourrir mon cœur.

Par ici, on n'aimait pas les individus parasites.

La seule force qui nous gouvernait était la peur.


Je semais du blé et élevais des vaches laitières,

pas de quoi gagner des milles et des cents, juste assez pour vivre.

Je souhaitais conserver les traditions d'hier,

pour ne pas qu'un jour l'argent m'enivre.


Un jour pourtant, je les ai vus arriver.

Costumes trois pièces et cravates bien ajustées.

Ils m'ont fait comprendre que leur proposition ne pouvait être déclinée.

Et qu'ils feraient tout pour m'enterrer si je refusais.


Le carnet de chèque fendit l'air et vint s'écraser sur la table.

Quelques zéros avant la virgule pour me convaincre.

Je voulais courir me réfugier dans l'étable,

mais me rendis compte que je n'aurais pas pu les vaincre.


Quelques temps plus tard, défait et humilié,

par un après-midi ensoleillé devant la ferme je passais.

A ma grande surprise, tout ou presque avait changé.

Ma chère grange et tous ses attraits avaient trépassé.


Pesticides, engrais et irrigation massive,

tout était question de productivité.

Spéculation sur les matières premières jusqu'à la dérive.

Tout était affaire de rentabilité


Finie la jachère et la rotation des sols,

on arrêtait de parler de dur labeur.

Exit la qualité et la traçabilité, ça n'était pas leur rôle,

tout était fait pour satisfaire les investisseurs.


Ils parquaient les bêtes comme dans les foires,

la lumière avait disparu de leurs vies.

Ils les enfermaient pour ne pas avoir à les voir,

Le bien-être animal ne faisait pas partie de leurs soucis.


Leur vision à court terme me rendait malade.

Sans même parler des manipulations génétiques auxquelles ils s'adonnaient.

Ils auraient fait tout ça pour notre bien-être, c'était des salades,

la nature a ses limites que l'argent ne peut repousser.


Avant de partir, je regardai l'arbre centenaire toujours fièrement dressé,

la seule relique à avoir résisté à l'envahisseur.

Je me demandais combien de temps il y resterait.

Eux ne se doutaient pas que la nature avait sonné leur heure.


Aujourd'hui, nous ne sommes plus, nous sommes retournés à la terre.

Seuls cet arbre et les quelques objets qui l'entourent témoignent

de notre passage sur Terre."

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